Le journal de mon bénévolat au Népal l'été 2016.
29 Juillet 2016
Après ma petite visite à Nawa Durga Primary School le vendredi 15 juillet, j’ai été accueillie chez l’habitant pour y vivre quelques heures conviviales et y passer une nuit, une nuit rocambolesque évidemment !
Le village de Dahachowk étant réparti en « quartiers », chaque quartier est dédié à une catégorie sociale. La petite famille népalaise qui m’héberge est de la catégorie des « dalits ». Elle est composée de cinq personnes : la mère, une fille, un fils, une belle-fille, et un bébé, le petit-fils. Leur maison a été très abîmée par le tremblement de terre d’avril 2015, détruite par endroit, et surtout beaucoup fissurée. C’est dangereux d’y vivre en permanence. Donc depuis le séisme, cette famille vit dans un abri en tôle construit rapidement avant les moussons 2015. Les tôles et tout le matériel nécessaire à la fabrication des abris d’urgence ont été fournis à l’époque aux villageois de plusieurs quartiers de Dahachowk par l’association Himalayan Sunrise grâce à l’aide de bénévoles qui se trouvaient alors sur place. Il faut préciser que, à l’heure actuelle, les villageois n’ont toujours pas reçu l’aide du gouvernement destinée à la reconstruction de leurs maisons. 85% vivent encore dans les abris de fortune en tôle, comme d’ailleurs les Népalais de nombreuses autres régions du pays. Dahachowk n’est pas un cas isolé bien sûr, et parcourir les sentiers au milieu des ruines renvoie au souvenir de ce drame qu’ils ont été obligés de vivre. C’est une mémoire bien triste…
Après quelques présentations, me voilà au cœur de la maisonnée, installée, et il est maintenant 17 h.
D’abord, je vais vous donner un petit aperçu de l’usage népalais qui est de s’adresser à des inconnus par des termes familiaux. C’est très curieux pour les Occidentaux mais on s’y fait très vite… Alors par ex, en nepali, la grande sœur c’est « Didi », la petite sœur c’est « Bahini », la maman c’est « Ama »… Du coup, même sans lien de parenté, je deviens la « Bahini » pour les filles plus âgées que moi, la « Didi » pour les filles plus jeunes que moi, etc., et j’appelle « Didi » les filles plus âgées que moi, « Bahini » les plus jeunes, « Ama » la mère de famille… Vous suivez ? Oui ? Non ? pas grave, vous comprendrez quand même la suite de mon récit.
Maintenant, toute la petite famille s’active autour des occupations attribuées à chacun : la fille d’Ama, ici ma « Didi », s’affaire au ménage, à l’approvisionnement en eau et à la préparation du repas du soir. J’essaie de me rendre utile aussi malgré leur refus pressant. Dur, dur, la vie au Népal, surtout pour les femmes avec la charge de toutes les corvées de la maison et des soins aux animaux, le travail aux champs, et tout le reste. Vraiment pas cool d’être une fille dans ce pays.
Puis, il est 20h. Ama et une tante reviennent des rizières sous une belle averse de mousson. On les attendait pour dîner avec un traditionnel dal bhat et un curry de légumes. Le dal bhat, plat national composé de riz blanc (bhat) et de soupe aux lentilles (dal), c’est deux fois par jour ! dal bhat, dal bhat… au lieu de patates, patates, en France !
Et alors, moi qui suis habituée à manger des petites quantités… là, je dois demander à mon estomac de bien vouloir faire un effort : on me sert pour 4 ! C’est comme çà au Népal, on fait honneur aux invités en les nourrissant à foison !
L’heure du coucher arrivant un peu plus tard, je me vois proposer un grand lit : encore et toujours des honneurs, le meilleur pour l’invité. Faute de place, Ama ira dormir dans l’ancienne maison branlante malgré le danger : toujours une générosité sans limite. Je me couche remplie de belles émotions, et aussi de dal bhat, quand même un peu inquiète de savoir si je vais réussir à dormir. Dehors, à cet instant, une grosse pluie se déverse sur le village, et évidemment, juste au même moment, voilà qu’une envie pressante me surprend ! Voyons… comment vous dire… les WC se trouvant à l’extérieur de la maison, pour y aller, il faut emprunter un tout petit chemin boueux dans la nuit noire : frissons de peur, mais bien obligée d’aller soulager ma vessie torturée ! Je sors, un peu recroquevillée pour passer inaperçue des fois qu’un monstre surgisse de l’obscurité : ben oui, parfois on retombe en enfance. Et là tu te dis que tu as été trop nouille de boire autant d’eau. Un instant, tu maudis ton ignorance ! Sûr que le lendemain, tu ris de toi-même, mais tu ne ris pas du tout sur le coup ! ah non ! pas du tout !
Finalement, après cette balade nocturne forcée pleine d’ombres terrifiantes, bien contente d’être revenue dans mon lit, je comprends que mon pressentiment d’une nuit courte va se réaliser. Entre les pleurs du bébé, les sons de la télé, les voix au téléphone (tout le monde ne se couche pas avec les poules), la lumière, les moustiques et le martellement de la pluie sur la tôle, je me résigne à une nuit blanche. Il est 4h du matin… toujours l’œil grand ouvert ! toujours le bébé qui pleure, les moustiques et l’averse… Finalement, vers 5h, les filles de la maison se lèvent. On me propose de rester couchée encore un peu. Je somnole quand même, mais à 6h, je me lève. Wow, une grasse matinée jusqu’à 6h !
Aujourd’hui, c’est samedi, le jour de congé des Népalais, c’est-à-dire le « dimanche » français. C’est aussi grand jour de ménage, tout le monde s’y met. Et enfin, vers 8h, tout le monde se pose pour un thé au lait et épices accompagné de biscuits. Et çà recommence, la Didi prépare le déjeuner avec devinez quoi : eh bien encore du dal bhat ! En plus, comme c’est le jour de repos, samedi, il y avait aussi des pommes de terres aux épices (eh oui !), des haricots aux légumes, des œufs, et en dessert du riz au lait. Qui dit mieux ! Et je me retrouve à manger un énorme plat délicieux à 10h15 du matin ! Et t’as beau dire « non, non, merci, j’en peux plus… », le dal bhat et sa suite s’abattent dans ton assiette. Et j’entends mon estomac crier « pitié, j’en peux plus… arrête ! ». Mais évidemment, par courtoisie, çà ne se fait pas de ne pas terminer son assiette, alors je lui réponds « tais-toi et avale, pas le choix ! ».
Enfin, mon petit séjour chez l’habitant se termine avec la bénédiction émue d’Ama qui au retour du temple me dépose de la poudre rouge de tikka sur le front, ce mélange de poudre rouge, de grains de riz et d’eau qui symbolise la conscience, la sagesse, la force, le centre du front étant dans ce rituel l’un des points de pression les plus importants du corps humain.
Voilà, je repars, sereine, bénie par Ama, le cœur rempli d’échanges chaleureux. Je suis comblée, heureuse, pleine de gratitude pour toute cette hospitalité offerte avec tant de générosité, pour ces instants simples de vie où l’essentiel prend toute sa place, ces instants si importants pour le cœur et l’âme.
See you soon chers lecteurs, chers amis …
annie.velin@laposte.net 20/11/2016 07:33
annie.velin@laposte.net 20/11/2016 07:31